mardi 22 janvier 2008

TV5Monde: des partenaires francophones menacent Paris de se désengager

2008-01-18 18:19:54PARIS (AFP)
Les pays et les partenaires francophones de la chaîne TV5Monde haussent le ton contre la réforme de l'audiovisuel extérieur français préparée à Paris, la Belgique et la télévision suisse envisageant désormais un désengagement total de cette chaîne sans équivalent.

Le projet de réforme, remis récemment aux partenaires québécois, belges et suisses de TV5Monde, préconise la création d'une holding qui se nommerait "FranceMonde" et qui coifferait TV5Monde, la chaîne internationale d'informations France 24 et RFI.

Le président Nicolas Sarkozy est allé plus loin le 8 janvier en se prononçant pour une chaîne unique "FranceMonde" dès 2008, qui "ne diffuserait qu'en français", avec d'éventuels sous-titrages en anglais, en espagnol ou en arabe.

De quoi irriter les partenaires de TV5, financée à 84% par la France mais seul réseau mondial alimenté en programmes par plusieurs chaînes européennes de langue française (France Télévisions, Arte France, RFO, RTBF pour la Belgique, TSR pour la Suisse), ainsi que le consortium de télévision Radio-Canada et Télé-Québec.

Créée en 1984, TV5Monde revendique plus de 25 millions de téléspectateurs dans 202 pays et dispose d'un budget annuel de 90 millions d'euros.

La ministre de l'Audiovisuel en Belgique francophone, Fadila Laanan, très en pointe sur le sujet, a prévenu mercredi que la Belgique (qui finance à hauteur de 6,27%) ne "paierait pas pour un outil de rayonnement franco-français" .

"Si nous ne sommes pas entendus, il faudra revoir nos investissements, ce que nous ne souhaitons pas", a-t-elle dit à l'AFP.

La ministre dit avoir reçu pour tout "document de travail" de la France une "note pas signée". "Il faut que leurs auteurs revoient leur copie", tranche-t-elle.

Ce texte "ni daté ni signé (...) semble peu compatible avec le principe d'autonomie de la chaîne francophone et le respect des partenaires" , a renchéri vendredi la Télévision Suisse Romande (TSR), qui fournit avec la Confédération helvétique 6,1% du budget de TV5.

"Si la dimension multilatérale de TV5 n'est pas garantie, nous n'avons pas vocation à y rester", a averti son directeur, Gilles Marchand.

En visite à Paris, le Premier ministre du Québec, Jean Charest, a rappelé vendredi l'attachement "très, très profond" des partenaires de TV5 à un "grand succès de la Francophonie" .

A l'issue d'un entretien avec M. Charest, Abdou Diouf, président de l'Organisation internationale de la Francophonie dont TV5 est partie prenante, s'est élevé contre un projet qui reviendrait à faire de cette chaîne "une filiale de la France".

Selon des sources proches du dossier, une réunion téléphonique des partenaires est prévue jeudi prochain, sans la France.

"Les Français font une erreur. Ils pensent que si chacun reprend ses billes, ils seront plus efficaces dans la mondialisation. C'est un retour en arrière de 30 ans. S'ils étaient malins, ils pousseraient les autres partenaires à investir plus pour enrichir TV5", estime le spécialiste des médias Dominique Wolton.

Pour les syndicats de TV5Monde, les propos de M. Sarkozy "laissent augurer la disparition de la chaîne dans son identité francophone et, à terme, sa disparition tout court".

Le ministère des Affaires étrangères a dit "prendre bonne note" des remarques et affirmé que la France "enverra des délégations de haut niveau auprès de ses quatre partenaires afin de rechercher l'indispensable consensus autour de ce projet".

Bernard Kouchner, qui s'est démarqué de M. Sarkozy sur l'idée d'une chaîne internationale ne diffusant qu'en français, a souligné que "la période de concertation est à peine entamée et celle de conception n'est pas terminée".

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