dimanche 9 mars 2008

Premier tour, premier test

Nicolas Sarkozy risque un vote sanction. La droite menacée à Marseille, Strasbourg, Toulouse... Favorite à Paris et à Lyon, la gauche espère reconquérir les villes perdues en 2001.
Vote local, vote national ? Alors que plus de 40 millions d’électeurs français et ressortissants de l’Union européenne sont appelés, dimanche, à se rendre aux urnes pour le premier tour des élections municipales et cantonales (lire page 10), la question a comme d’habitude animé les débats de la campagne électorale. Sauf que cette fois, dix mois après l’élection d’un Nicolas Sarkozy au plus bas dans les sondages, elle a pris un relief particulier. Et, malgré le renoncement du chef de l’Etat à sa volonté de «nationaliser» le scrutin, ce premier tour aura bien pour la majorité en place valeur de test.

Le prix de la hausse des prix

La tentation du vote sanction s’appuie essentiellement sur les difficultés rencontrées par le gouvernement sur la question du pouvoir d’achat. Critiquée par la gauche après la mise en œuvre de sa loi «travail, emploi, pouvoir d’achat» cet été, dont les résultats se font toujours attendre (les heures sup défiscalisées se mettent en route lentement), la droite a dû faire face à la hausse du prix des carburants, des loyers, et dernièrement des produits de première nécessité. Elle ne s’est pas facilité la tâche avec «le rapport de trop», celui remis en janvier par Jacques Attali sur la «libération de la croissance». Taxis, coiffeurs, avoués, pharmaciens, craignant une brutale dérégulation de leurs métiers, ont donné de la voix : les maires de certaines grandes villes, comme Marseille ou Strasbourg, devant même gérer en pleine campagne des manifestants plutôt favorables à la droite. Et, à défaut de manifestations, les interpellations ont été continues pendant toute la campagne. Annonce d’une prime spéciale pour les titulaires du minimum vieillesse, baisse du chômage : rien n’y a fait. Localement, les électeurs se plaignent. Difficile à contrer.


L’ouverture, terreau de la dissidence

Marque de fabrique de Sarkozy au niveau national, l’ouverture systématisée est source de pagailles municipales, y compris à droite. Pour satisfaire au leitmotiv présidentiel, l’UMP a fait de la place à près d’un millier de candidats, venus du centre et de la gauche, sur ses listes dans 225 villes de plus de 30 000 habitants. Conçue pour sectariser une gauche attachée au clivage politique traditionnel et ancrer l’électorat centriste à droite, cette stratégie pourrait s’avérer d’une efficacité discutable. Exemple à Périgueux, où en dépit de la présence de sept Modem sur sa liste le ministre Xavier Darcos est à la peine. En revanche, elle sème incontestablement la zizanie au sein de la droite alsacienne, qui ne digère pas de devoir soutenir les candidats gauche moderne à Mulhouse et à Schiltigheim. D’où la multiplication de dissidences dangereuses.


L’inconnue Modem

Quoi que son leader François Bayrou en dise, cette élection constitue bien un test national pour sa formation, le Modem. C’est en tout cas l’occasion pour ce nouveau parti de reconstruire tout un réseau d’élus locaux alors que les anciens maires ou conseillers municipaux UDF ont rejoint en grande majorité les rangs du Nouveau Centre. L’élection ou non de François Bayrou à Pau, capitale du Béarn, permettra également de jauger si la recette Modem prend sur le terrain. Et de valider ou non la stratégie de listes autonomes imposée par le président de ce mouvement dans les urnes. Malgré la volonté affichée par François Bayrou de voir le Modem concourir sous ses propres couleurs orange dans le maximum de villes, comme à Paris avec Marielle de Sarnez, Marseille avec l’ancien écologiste Jean-Luc Bennahmias, le Modem suit parfois une ligne beaucoup moins claire en pratiquant des alliances à géométrie variable. A Bordeaux, ses candidats se retrouvent sur la liste conduite par le maire sortant UMP Alain Juppé, alors qu’à Dijon ils figurent en bonne place sur la liste du maire socialiste, également sortant, François Rebsamen. A Paris, Marielle de Sarnez, chef de file du Modem et bras droit de François Bayrou, a multiplié, en fin de campagne, les appels du pied en direction du Bertrand Delanoë pour un «parte nariat» futur. A l’occasion de cette élection, François Bayrou éprouve surtout une stratégie de pactes qui, il l’espère, lui serviront en 2012.


Plus vert que moi…

Des candidats plus verts que les Verts ? De l’UMP au PS en passant par le Modem, la plupart des candidats se sont présentés en convertis à l’écologie. Est-ce le «défi» de Nicolas Hulot, Une vérité qui dérange d’Al Gore, les effets locaux du réchauffement climatique ou les suites du très consensuel - et purement propositionnel - Grenelle de l’environnement, mais une chose est sûre, le développement durable est devenu un incontournable des programmes : tramways, bus propres, Vélib’, pistes cyclables, panneaux photovoltaïques, isolation thermique des logements sociaux sont désormais plus vendeurs que les parkings en centre-ville et les ronds-points. «Il y a un effet de mode, car les candidats ont compris qu’il y a une attente écologique chez les électeurs. A droite, l’UMP a tenté de surfer sur le Grenelle, malgré l’absence de service après vente de Sarkozy. Et dans les communes rurales, la peur du vert qui avait succédé, à droite, à la peur du rouge, ne fait plus recette», analyse François de Rugy, député de Loire-Atlantique et candidat à Orvault. A gauche, «les Verts ont contaminé le PS», relevait pour sa part Noël Mamère en meeting à Lille. A force de travailler ensemble dans les exécutifs municipaux, les socialistes «productivistes» se sont écologisés. Au risque de couper l’herbe sous le pied des Verts ? C’est le cas à Paris, où «l’écolo-gestionnaire» Delanoë pourrait siphonner Baupin «le khmer vert».


L’enjeu des agglomérations

Les villes ne sont plus le seul souci des états majors parisiens. La montée en puissance des structures intercommunales fait désormais de leur contrôle un enjeu majeur du scrutin. La couleur politique des quelque 2 583 conseils communautaires reflète généralement celle de leur ville leader. Néanmoins, cette règle pourrait souffrir d’importantes exceptions. Alors même que le maire PS de Lyon, Gérard Collomb, a de bonnes chances d’être reconduit le 16 mars, l’agglomération pourrait basculer à droite si l’une des villes limitrophes de Lyon, Bron, Rillieux-la-Pape, Saint-Priest ou Villeurbanne, tombent aux mains de l’UMP. Même problématique dans le Nord : si l’ex-ministre PS Martine Aubry devrait conserver la mairie de Lille, le pilotage de l’agglomération échapperait aux socialistes pour peu que l’UMP Chritian Vanneste l’emporte à Tourcoing. A Bordeaux, l’affaire est encore plus délicate : une victoire aisée de l’ancien ministre Alain Juppé suffirait pour que la présidence de la communauté urbaine Bordeaux métropole échoie à la majorité présidentielle.

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