dimanche 13 janvier 2008

Voeux de François Hollande à la presse du jeudi 10 janvier 2008

Je veux vous présenter, au nom de l’ensemble du Parti socialiste, nos meilleurs vœux pour l’année 2008.
En ce début d’année 2008, en entendant les uns ou les autres ou, plus exactement, toujours le même, je me disais que ce qui nous menaçait c’était en définitive la confusion des enjeux, le tourbillon des images, la perte de sens des mots qui sont utilisés ou proférés, l’instrumentalisation des peurs et, pour tout dire, la résultante de tout cela qui peut être le fatalisme ou la résignation.
Face à ces menaces, je veux former le souhait qu’en 2008 nous marquions deux volontés : la lucidité et l’engagement. La lucidité est indispensable, elle est au cœur de tout. Elle ne vaut pas simplement pour un parti, pour des hommes et des femmes eux-mêmes engagés. Elle vaut pour une société, elle vaut pour des citoyens.
Lucidité de l’état du monde qui est grave, préoccupant
Les tensions internationales sont encore lourdes. Ce qui se passe en Irak tous les jours, en Afghanistan, ce qui s’est produit au Pakistan avec les conséquences que l’on ne sait pas encore, ce qui est à l’œuvre en Iran, le conflit en Palestine –même s’il nous est dit aujourd’hui par Bush qu’il voudrait un traité de paix d’ici la fin de son mandat (il reste très peu de temps).
Il y a là toutes les causes d’un embrasement toujours possible. Et il n’en reste pas moins, même s’il peut y avoir ici ou là une espérance aujourd’hui peut-être de libération des otages en Colombie et demain le retour d’Ingrid Betancourt, que s’il n’y a pas un travail sur les causes mêmes des phénomènes qui sont là au cœur de toutes ces tensions, il y a toujours la crainte du pire.
Il faut aussi juger l’état du monde à travers les déséquilibres économiques mondiaux considérables : le prix du pétrole qui dépasse 100 dollars le baril, une montée de l’inflation et donc sans doute une remontée des taux d’intérêts, la récession possible aux USA, l’instabilité des monnaies ($ - Euro), et les délocalisations toujours présentes.
Il faut avoir cette lucidité, sinon nous sommes dans la peur ou la béatitude.
Lucidité de l’état de la France
L’état de notre économie est tout à fait inquiétant. Aucune des prévisions associées à la loi de finances qui a été votée à l’automne dernier n’est aujourd’hui réaliste.
La croissance de l’économie française pour 2008 sera sans doute plus proche des 1,5 % que des 2,25 % espérés. Elle sera l’une des plus faibles de la zone euro et est essentiellement due à l’atonie de l’investissement.
L’endettement public dépasse 65 % de la richesse nationale et le déficit de l’ensemble des administrations excédera les fameux critères européens et obligera à un plan de rigueur au lendemain des élections municipales.
Le troisième indicateur, et il est en définitive le plus révélateur de la faiblesse de notre économie depuis maintenant près de 6 ans, est le déficit du commerce extérieur. Nous venons d’apprendre qu’il atteindra sans doute 40 milliards d’euros en 2007. Pour la première fois depuis 1991, le déficit sur un mois de notre balance commerciale sera constaté hors énergie, c’est-à-dire hors du phénomène que nous connaissons aujourd’hui de montée du prix du pétrole. Cela en dit long sur l’ampleur de la dégradation de la compétitivité de l’économie française.
Il nous faut en pointer la responsabilité. Ce n’est pas un phénomène qui vient de l’extérieur. Ce n’est pas le défaut de travail des salariés. C’est l’incapacité qu’ont eue les gouvernants depuis 2002 de soutenir l’investissement privé, de faire un effort pour la Recherche, pour la qualification, pour la formation ; c’est l’absence de toute politique industrielle. Nous en voyons maintenant le prix.
Il faut le dire aux Français : on ne peut pas vivre avec une économie qui importe plus qu’elle n’exporte. Et ce n’est pas un phénomène européen. Au moment où nous allons avoir 40 milliards de déficits de notre commerce extérieur –record historique- l’Allemagne va dégager 200 milliards d’euros d’excédents. Là se trouve l’insuffisance de la croissance. Là se trouvent aussi les problèmes de pouvoir d’achat que rencontrent aujourd’hui nos concitoyens.
Voilà l’état de notre économie. Mais quel est aussi l’état social après 6 ans de droite au pouvoir et 8 mois de présidence Sarkozy ?
Le pouvoir d’achat et il faut que nous en parlions puisque d’autres ont omis de le faire dans une conférence de presse. Le pouvoir d’achat qui avait été le thème majeur de l’élection présidentielle est annoncé par les statistiques officielles comme devant être inférieur pour 2008 à ce qu’il a été –faible au demeurant- en 2007. Les Français n’ont rien à attendre des dispositions qui viennent d’être votées puisque, de l’aveu même de ceux qui les ont présentées, il n’y aura pas d’impact sur le pouvoir d’achat quand, dans le même temps, se creusent les inégalités entre les revenus du travail et les revenus du capital.
L’état de la France, c’est aussi ce que certains ont appelé une société de défiance : défiance à l’égard des pouvoirs publics, défiance à l’égard des entreprises, défiance même à l’égard des autres, de nous-mêmes, tellement nous doutons de notre capacité collective à agir, à produire et à vivre ensemble.
Ce n’est donc pas un problème de civilisation, mais tout simplement un problème de société dont les causes tiennent à l’état de notre démocratie et à la forme du pouvoir. Un exemple : il a fallu attendre le travail d’une rédaction pour que l’on apprenne le vrai chiffre des voitures brûlées la nuit de la Saint Sylvestre. S’il n’y avait pas eu ce travail, la Ministre de l’Intérieur serait encore en train de nous dire que cela a été une amélioration quand le travail journalistique permet de démontrer le contraire. Comment peut-on espérer du côté des citoyens une confiance dans les pouvoirs publics, dans l’information si, précisément, elle est sapée par ceux qui en ont la responsabilité.
Lucidité sur l’état de notre démocratie
Le problème n’est pas nouveau. La concentration des pouvoirs ne date pas d’il y a 8 mois ; l’opacité dans la décentralisation est aussi vieille que la décentralisation elle-même. Je reconnais bien volontiers que les partis politiques comme les syndicats existent avec des légitimités trop étroites. Je sais ce qu’il en est depuis trop longtemps du dialogue social dans notre pays, de la fragilité de la presse écrite, du considérable poids des médias audiovisuels détenus par quelques-uns. Mais, convenons quand même que, même dans ce contexte déjà préoccupant, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, les défauts du système sont devenus le système lui-même.
Nous sommes devant un pouvoir personnel. Et, paradoxalement, celui qui veut tout le pouvoir, exerce tout le pouvoir fait aveu d’impuissance. Le pouvoir est personnel parce que nous sommes tombés dans l’omniprésidence. Le Président décide de tout, mais aussi sur tout ; au-delà même de l’Etat, il est Chef de l’Etat, Chef de gouvernement, Chef de la majorité, Chef de l’UMP, Chef de campagne –il présentera bientôt les éléments de campagne pour les élections municipales devant l’UMP.
Nous sommes dans une confusion des genres. Cette position institutionnelle est aussi une posture personnelle : c’est le « Président moi-je ».
L’Etat, c’est « moi-je ». C’est « moi-je » par rapport aux institutions : dérive ultime de la Vè République. Il convoque hier le Parlement, comme s’il en avait le droit. Il voudrait même changer la Constitution pour s’inviter en permanence à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ce serait plus commode. Méfiez-vous, il va s’inviter chez vous aussi, dans vos rédactions et peut-être à votre domicile ! Un de ses lointains prédécesseurs s’y était essayé, il venait déjeuner, dîner… Espérons qu’il n’en demandera pas davantage !
Président « moi-je » par rapport aux médias : il est votre invité d’honneur. Vous n’y pouvez plus rien ! Le pire, même ! C’est que le temps de parole qui est le sien n’est pas compté dans le temps gouvernemental et dans le temps majoritaire. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel que nous avons saisi se prétend lié par une décision du Conseil d’Etat ; les chaînes de télévision liées par le CSA. Et Nicolas Sarkozy n’est lié par rien, sauf à ses relations avec les propriétaires des grands médias. De la même manière, la fin de la publicité à la télévision publique n’est pas une mesure –comme on l’a dit- pour conforter le Service public. Il y faudrait là bien plus que des recettes exceptionnelles sur la publicité, mais l’augmentation de la redevance qui en termes de pouvoir d’achat n’aurait pas que des effets heureux. Cette annonce-là dont je ne sais ce qu’elle sera, n’est qu’un pourboire, une récompense, une compensation à je ne sais quel système de transport !
Et il y a le rapport à lui-même. Le sarkozysme n’est pas une doctrine, c’est un narcissisme. Un narcissisme compassionnel parce que le pire, c’est qu’il se plaint. Il nous parle de lui à satiété et ce que je demande aujourd’hui, c’est le droit de ne pas savoir. Mais, même quand on parle de lui, et qu’il a fait tout pour cela, il finit par s’en plaindre. Ce Président « m’as-tu vu » nous installe tous, citoyens, responsables publics, journalistes, en voyeurs. Nous ne voulons pas voir, nous connaître les résultats.
Un pouvoir impuissant
Le Président parle avec ses mots, avec ceux des autres –mais les mots appartiennent à tous et c’est d’ailleurs leur valeur. Nous sommes-là dans un régime du verbe. Nicolas Sarkozy capte, capture, picore ses références, concepts. L’essentiel pour lui est d’être dans le coup d’éclat permanent. Il multiplie les commissions –on en a recensé près de 100 ! commande des rapports, annonce des grenelle, convoque des prix Nobel. C’est l’illusion du mouvement, c’est l’art de la diversion, le sens du contre-pied qui peut aussi le faire trébucher ; on l’a vu sur les 35 heures.
Cette profusion révèle une impuissance. On lui parle aujourd’hui de relance de la consommation et il nous fait l’aveu : les caisses sont vides. Mais qui a donc vidé les caisses depuis 8 mois et peut-être davantage, si ce n’est une majorité qui a voté 15 milliards de cadeaux fiscaux et d’exonération de cotisations sociale ?
On lui parle de pouvoir d’achat et il s’en offusque. Comment ! Le débat politique se réduirait à la subalterne question, dérisoire affaire, médiocre revendication du pouvoir d’achat ! Il faut avoir une vision plus haute ! La civilisation ! Mais, la civilisation, cela rapporte combien au 1er janvier 2008 ? Et, quand on s’est proclamé le « candidat du pouvoir d’achat », le « Président du pouvoir d’achat », on doit rendre des comptes.
On lui parle de croissance et il répond comme d’autres à d’autres époques qu’elle ne dépend pas de lui, que l’environnement international décide de tout. Mais, n’était-ce pas le même Nicolas Sarkozy qui disait –formule audacieuse- qu’il irait « la chercher avec les dents » ? Je ne sais plus combien il lui en reste vu le résultat !
On lui parle de rupture et il précise qu’elle ne peut être faite en 8 mois. Nous en convenons. Mais, en même temps, nous rappelons que Nicolas Sarkozy avait été ministre pendant plus de 4 ans et demi avec la même majorité.
Je ne lui reproche pas d’agir, mais d’agir mal.
Un pouvoir inquiétant
Inquiétant d’abord sur le Droit du travail.
Sur la durée légale du travail : Nicolas Sarkozy vient de se contredire. Avant-hier, il en avait sonné la fin avec une formule gourmande, rapide, l’espoir de la fin des 35 heures à la fin de l’année 2008. Hier, il les a rétablies. Sa majesté a bien voulu concéder qu’il y aurait toujours les 35 heures, en précisant qu’il n’avait rien dit de différent.
Mais, l’intention demeure, car la lettre de François Fillon, Premier ministre, aux partenaires sociaux ouvre bien la possibilité d’accords dérogatoires non pour des assouplissements des 35 heures, mais pour le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Ce qui veut dire que dans les entreprises, si la formule du Premier ministre l’emporte et il faudra une loi, qui aurait un accord majoritaire, il serait possible de fixer une durée du travail supérieure aux 35 heures pour déclencher le paiement des heures supplémentaires.
Et il ne s’agit pas d’assouplissements qui ont déjà eu lieu à trois reprises : en 2003, le premier assouplissement avait porté le nombre d’heures supplémentaires de 130 à 180 h/an ; en 2004, le contingent d’heures supplémentaires avait été porté de 180 à 220 h. Et il est même possible, toujours selon un texte pris postérieurement de déroger par accord d’entreprise à ce contingent d’heures supplémentaires. On peut donc aller au-delà des 220 heures. Il y a néanmoins une limite ; la limite étant le droit européen : impossible de travailler sur une semaine plus de 48 h ; et le droit français : impossible de travailler plus de 44 heures par semaine sur 12 semaines consécutives.
S’il doit donc y avoir des accords d’entreprise après la lettre de François Fillon, ce ne sera pas sur les assouplissements, mais sur la dérogation à la durée légale de travail.
L’intention de Nicolas Sarkozy et du gouvernement n’est pas l’assouplissement, mais la fin de la durée légale du travail qui, certes, existera toujours dans le Code du travail, mais à laquelle il sera possible de déroger par des accords d’entreprise.
Sur le Contrat de travail : je souhaite que les partenaires sociaux trouvent un accord. Mais, s’il n’y avait pas d’accord, on connaît déjà ce qu’est la volonté gouvernementale. C’est la période d’essai qui, pour les cadres, pourrait aller jusqu’à un an –pas loin du CNE- et pour les autres salariés, une période d’essai de trois mois renouvelable. S’ajoute à cela le retour du contrat de mission. C’est-à-dire, dans une certaine mesure, la fin aussi du contrat à durée indéterminée.
Inquiétant, ensuite, sur le pouvoir d’achat
Les franchises médicales s’appliquent depuis le 1er janvier et ne sont qu’une première étape, compte tenu de l’ampleur des déficits.
Le plan de rigueur : il y aura une augmentation –elle est mécanique- de la Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale (CRDS) et le retour de la TVA qui n’est même plus habillée de social. Nous savons bien que, compte tenu de l’ampleur des déficits, compte tenu de la faible croissance, compte tenu des cadeaux fiscaux qui ont été accordés, compte tenu du fait que les caisses sont vides, c’est bien d’une augmentation de la TVA dont il s’agit. On l’appellera autrement peut-être : charge sur la consommation plutôt que sur la production. L’effet sera direct sur les Français.
Inquiétant aussi sur les principes
En matière de Droit pénal : un texte vient d’être voté à l’Assemblée nationale et il permettra, sans décision de justice, de prolonger un enfermement. Même s’il faut traiter cette question insupportable pour les victimes et leur famille des criminels récidivistes, la réponse ne peut pas être simplement des mesures d’enfermement au-delà de la peine ; faut-il aussi qu’il y ait traitement médical. On ne peut pas remettre en cause des principes du droit pénal, alors que ne sont pas aujourd’hui fournis les instruments du traitement médical dans les prisons françaises.
En matière de Laïcité : Dans le discours que Nicolas Sarkozy a prononcé le 20 décembre 2007, il y a eu là des conceptions qui ne sont pas celles qui ne sont pas seulement les nôtres car nous ne sommes pas propriétaires de la laïcité, mais qui sont les principes de toute la République, et notamment de tous ceux qui se sont succédés aux responsabilités du pays –hormis la période de Vichy- après le vote de la loi de 1905. Il y tient des propos sur la reconnaissance de la religion qui ne sont pas pour nous ceux d’une laïcité républicaine.
Quand Nicolas Sarkozy dit qu’’ un homme qui croit est un homme qui espère et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent », c’est laisser penser que, pour être de bons citoyens, il faut être d’abord des croyants. Je ne dénie pas aux croyants le fait d’être de bons citoyens, mais il a y aussi ceux qui ne croient pas ! Et qui espèrent pourtant, qui espèrent pour la vie d’aujourd’hui et pas forcément pour la vie au-delà de la vie.
Il ajoute : « La morale laïque risque toujours de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’inspiration à l’infini ». Cela voudrait-il dire que lorsque l’on n’a pas une aspiration à l’infini, on aurait une morale laïque qui pourrait tourner au fanatisme ? Mais, n’y a-t-il pas de la part de ceux –pas tous, une toute petite minorité- qui ont justement cette aspiration à l’infini le risque de tomber dans le fanatisme, parce que la vie ici-bas n’aurait pas de sens ?
Il poursuit : « Dans la transmission des valeurs, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé ». Je remarque que, dans cette formule, l’imam et le rabbin ont été oubliés. Parce que, ajoute Nicolas Sarkozy « Il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».
Il faudrait donc, pour transmettre une morale, pour transmettre des valeurs, avoir le souci du sacrifice de sa vie ? Je ne dénie à aucun représentant religieux la capacité de fournir cette morale ; mais je ne lui reconnais pas cette capacité au nom de cette aspiration à l’infini, mais au nom de sa croyance, de sa valeur propre.
La laïcité n’a jamais été pour nous la négation des religions, au contraire, mais leur séparation dans l’espace public. Pour nous, la construction de la citoyenneté obéit d’abord à des principes fondés sur la laïcité.
C’est pourquoi, jamais la loi de 1905 n’a été aussi actuelle et précieuse. Et, je demande au Président de la République de clore définitivement le débat sur la remise en cause de cette grande loi républicaine.
Tel est le pouvoir aujourd’hui : pouvoir personnel, pouvoir impuissant, pouvoir inquiétant.
Face au « tout pouvoir », je veux faire du Parti socialiste en 2008 un contre-pouvoir. Pas simplement être contre le pouvoir, mais un autre pouvoir au service des Français.
Je fixe deux objectifs pour l’année prochaine :
Le PS doit être le premier parti de France à l’occasion des élections municipales et cantonales en termes de suffrage comme de collectivités dont nous aurions, si les électeurs nous donnent leur confiance, la responsabilité. Si nous voulons être un contre-pouvoir, il faut être le premier parti en France. C’est possible.
Le second objectif est que le PS doit devenir le parti de toute la France, en termes de génération, de diversité, de territoire, de catégories sociales. Ce sera l’enjeu de son Congrès au lendemain des élections municipales.
Etre un contre-pouvoir, c’est être une force à quatre dimensions :
Une force d’opposition : à un système économique déséquilibré et à un ordre politique injuste.
Une telle opposition exige bien plus qu’une critique ou une dénonciation, mais une déconstruction des mécanismes économiques et politiques et une réflexion sur la mondialisation, la Nation, l’individu, et une imagination sur les outils des politiques publiques. Il faut faire le choix de la raison sur l’émotion, de l’intelligence collective sur les intuitions d’un seul, de la démocratie sur la dictature des circonstances et de l’urgence.
Une force de proposition :
- D’abord sur l’Economie : compte tenu de ce nous décrivons de l’état de l’économie française, la première priorité est une politique qui renforce l’offre productive dans notre pays avec un investissement massif dans la Recherche, dans l’innovation, dans la qualification, dans la formation. Dans cette politique-là, il faudra aussi faire des choix industriels et avoir les outils correspondants. Il y a un débat sur la caisse des dépôts dont certains signes peuvent annoncer sa privatisation. Ou l’on en fait un fonds public à capacité d’investissement et pas simplement de protection –c’est parfois nécessaire face aux fonds souverains car il n’y a pas de raison que la France n’en dispose pas. Mais aussi avec une capacité d’anticipation, d’innovation. Voilà ce que doit être un instrument public et la Caisse de dépôts doit être cet instrument-là.
La deuxième priorité, c’est le désendettement public. Les allègements d’impôts, quand un pays connaît un déficit public proche de 3 %, un endettement public de 65 % de la richesse nationale, sont une augmentation d’emprunts. Tout allègement d’impôts qui a été consenti sera payé par les générations futures. Donc, le premier devoir –même s’il n’est pas plaisant à entendre- c’est d’éviter qu’il y ait des allègements fiscaux tels qu’ils ont été pratiqués depuis 6 ans et encore davantage depuis 8 mois.
La troisième priorité en matière d’économie, c’est la maîtrise des prix. Nous avons fait plusieurs propositions : la mise en place du chèque transport, la diminution de la TVA sur les produits de première nécessité et le respect de la loi sur le logement social. Et il faudra bien sûr une politique de revenus à travers la prime pour l’emploi et les conditionnalités des exonérations de cotisations sociales, non pas la négociation, mais la conclusion d’accords salariés.
- Sur la réforme des institutions : nous proposons une réforme des institutions fondée sur quatre principes :
o Des droits du Parlement (maîtrise de l’ordre du jour, capacité à voter la loi sans entrave…)
o Décentralisation : clarification des compétences, des responsabilités, des financements
o Démocratie sociale : reconnaissance des accords majoritaires fondés sur la représentativité réelle des organisations syndicales
o Droits des citoyens : capacité pour les citoyens de saisir le Conseil constitutionnel pour les exceptions d’inconstitutionnalité, mais aussi le vote des étrangers aux élections locales. On parle du changement du préambule de la Constitution, de la lutte pour la discrimination positive, mais avant de faire ces changements dont on parle et l’on verra lesquels, faisons au moins que ceux qui vivent sur notre territoire depuis longtemps, qui y travaillent, qui payent des impôts puissent voter.
- Sur la Diplomatie : Nicolas Sarkozy a évoqué une diplomatie de la réconciliation. Cela ne peut pas fonder une action politique extérieure. Se réconcilier avec qui, sur quoi, pour quoi, au nom de quoi ? La politique extérieure doit être, pour nous, fondée sur trois principes :
o Le premier : la paix, la recherche de la paix, et nous avons là suffisamment de sollicitation pour ne pas perdre notre temps.
o Le deuxième : ce sont les droits de l’Homme et les valeurs universelles. Cela n’appartient pas à un continent, à quelques pays privilégiés ! C’est le droit de tous.
o Le troisième : c’est le multilatéralisme et l’ONU. Il n’y a pas besoin de créer je ne sais quelle institution parallèle à l’ONU. Il faut revenir au cœur même des décisions qui se prennent au niveau du Conseil de sécurité et de l’assemblée de l’ONU.
Une force d’action :
Nous revendiquons un pouvoir ; celui qui est à notre portée, celui des territoires de France, non pour faire des villes, des départements, des régions, des lieux de résistance ou de revanche par rapport à l’élection présidentielle, mais pour être utiles à nos concitoyens. Et les élections municipales et cantonales porteront aussi sur la question du pouvoir d’achat : transports publics, l’accès au logement, les gardes des enfants, l’accompagnement des personnes dépendantes, l’accompagnement scolaire, la fiscalité locale. Nous allons faire de la question du pouvoir d’achat, question secondaire maintenant pour Nicolas Sarkozy et principale pour nous, et du développement durable –double exigences de satisfaction de besoins immédiats et de préparation de l’avenir- le fondement de l’action publique.
Au lendemain des scrutins de mars, si la gauche qui s’est largement rassemblée à l’occasion de ces élections municipales peut être en capacité de gérer en plus des 20 régions métropolitaines (et des 4 de l’outre-mer), une majorité des départements et de nombreuses villes, rien qu’en termes d’investissements publics, elle sera en mesure de mobiliser plus de financement, plus d’actions structurelles que l’Etat lui-même en termes d’équipement civil. Cela veut dire que le pouvoir n’est pas seulement le pouvoir d’un seul, le pouvoir d’une famille politique, il n’est pas le pouvoir d’un camp qui a gagné l’élection présidentielle. Il est à prendre aussi, à revendiquer, à exercer à l’occasion des élections municipales. Il faut le dire aux Français pour qu’ils ne se découragent pas, qu’ils ne se désespèrent pas. La gauche peut exercer non pas simplement une parcelle du pouvoir, mais une part de la responsabilité publique et de l’utilisation des fonds d’intérêt général.
Une force de rénovation : ce sera l’objet de notre Congrès qui portera sur tous les aspects de la vie du PS : Déclaration de principes, statuts, orientations, stratégies et leadership. Ce sera au lendemain des élections municipales que nous ouvrirons ce processus. Pas avant. Nous devons là être tournés vers les Français plutôt que vers nous-mêmes. D’ici là, le 20 janvier, aura lieu le rassemblement annuel de nos secrétaires de sections qui coïncidera avec le troisième forum de la rénovation sur l’individu et la solidarité et qui marquera le lancement de notre campagne pour les élections municipales et cantonales.
Une réunion du comité de liaison de la gauche –la troisième en trois mois- se tiendra le 22 janvier et une rencontre avec l’ensemble des organisations syndicales se tiendra fin janvier, début février.
CONCLUSION
L’année 2008 sera difficile pour les Français. Ils ne seront pas seuls face aux épreuves, réduits au silence de leur déception ou à l’expression de leur colère. Là est le rôle d’une force politique : offrir une traduction concrète d’une attente et d’une espérance. Permettre le changement partout où la possibilité d’action nous est offerte. Fournir une explication du monde et des choses.
Si j’ai un vœu personnel à formuler, c’est celui que les valeurs comme la raison, le respect, l’intérêt général l’emportent sur l’émotion, la facilité, l’argent et l’esbroufe.
Si la lucidité et la volonté l’emportent, j’ai confiance dans l’issue de cette confrontation. Elle est autant morale que sociale. Et peut-être jamais en ce début d’année nous n’avons eu autant besoin de rigueur morale et de justice sociale.

Aucun commentaire: